Dans un arrêt du 27 mars 2025 (Cass. 3e civ., 27 mars 2025, n° 23-22.383), la Cour de cassation rappelle qu’un preneur à bail ne peut pas modifier unilatéralement l’activité autorisée par la clause de destination du bail commercial. L’affaire concernait un local loué pour y exploiter un snack, que le locataire avait transformé en un véritable restaurant, avec cuisine équipée, salle à manger aménagée et menus élaborés.
Cette transformation, opérée sans information ni accord préalable du bailleur, a été considérée comme un manquement suffisamment grave pour entraîner la résiliation judiciaire du bail. Cette décision, dans la droite ligne de la jurisprudence en la matière, réaffirme l’importance d’une interprétation stricte de la destination contractuelle dans les baux commerciaux.

1 - La destination contractuelle : une obligation stricte pour le preneur
La clause de destination définit l’usage que le preneur peut faire des locaux loués. Conformément à l’article 1728 du Code civil, le locataire est tenu d’user des lieux conformément à la destination prévue au contrat. Cette stipulation constitue une obligation essentielle dont le non-respect peut justifier la résiliation judiciaire du bail. Dans le cas d’espèce, le contrat précisait que le local était destiné à un snack.
Or, le locataire avait développé une activité de restauration traditionnelle, avec une offre culinaire diversifiée (cuisine française, chinoise, fruits de mer), une cuisine professionnelle de 30 m² et une salle de restauration de 50 m². Le tout déployé sur une parcelle de 500 m², avec des kiosques annexes. Une telle exploitation dépasse clairement l’activité de snack, traditionnellement associée à une restauration rapide, avec peu ou pas de service à table, et une préparation limitée.
2 - Le changement d’activité non autorisé : une faute grave
Pour caractériser la faute du preneur, la Cour se fonde non sur les intentions du locataire, mais sur la réalité matérielle et fonctionnelle de l’activité exercée. Les éléments relevés par les juges du fond (aménagements, type de service, carte des plats) ont permis d’établir un changement substantiel de l’activité, effectué sans information préalable du bailleur.
Cette modification unilatérale a été qualifiée de manquement grave au contrat. La Cour de cassation a validé la résiliation judiciaire du bail, sans qu’il soit nécessaire de démontrer un préjudice économique spécifique subi par le bailleur. En matière de bail commercial, la stabilité contractuelle repose sur la stricte conformité à la destination stipulée. Il importe de noter que le locataire n’avait pris aucune mesure pour régulariser sa situation, ce qui a renforcé la gravité du manquement.
3 - Enjeux pratiques : vigilance accrue dans la rédaction et l’exécution des baux
Cette décision appelle une double vigilance, tant du côté du bailleur que du preneur. Pour les bailleurs, elle confirme l’importance d’une clause de destination précise et encadrée, évitant les termes trop généraux ou ambigus. Il est recommandé d’y inclure :
- des exemples concrets d’activités autorisées (ex. : "vente à emporter", "sans service à table"),
- des limites fonctionnelles (pas de cuisine avec extraction, surface de restauration maximale),
- une clause de résiliation en cas de modification non autorisée.
Du côté des preneurs, toute évolution de l’activité doit être formalisée, par écrit, avec l’accord exprès du bailleur, voire à travers une procédure de déspécialisation partielle prévue à l’article L. 145-47 du Code de commerce. La jurisprudence rappelle également que le contentieux est apprécié in concreto, en tenant compte de l’activité réellement exercée, et non uniquement de l’intitulé commercial.
L’usage de termes comme "snack-restaurant" ne protège pas d’un constat de dépassement de la destination. L’exécution loyale d’un bail commercial suppose le respect strict de la clause de destination. L’arrêt du 27 mars 2025 confirme qu’un locataire ne peut, sans l’accord du bailleur, transformer un snack en restaurant, même si cette évolution paraît naturelle ou économiquement cohérente. En cas de dépassement non autorisé, le bail peut être résilié, sans que le bailleur ait à démontrer un préjudice. Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence constante et renforce la sécurité contractuelle dans les relations locatives commerciales.
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