Le contrat de sécurisation professionnelle (CSP), destiné à accompagner les salariés licenciés pour motif économique, obéit à une procédure encadrée. Si le salarié adhère au dispositif, le contrat de travail est réputé rompu dès l’expédition du bulletin d’adhésion, sans qu’une lettre de licenciement ne soit requise.
Ce mécanisme, qui vise la simplification, impose cependant un certain formalisme, en particulier quant à l'information écrite sur le motif économique de la rupture.
Dans un arrêt récent en date du 26 mars 2025 (Cass. soc., 26 mars 2025, n° 23-21.099), la Cour de cassation confirme que l’omission de cette formalité, lorsqu’elle précède l’adhésion, prive la rupture de cause réelle et sérieuse. Cette décision invite à une vigilance accrue quant à la documentation remise au salarié, souvent négligée en pratique.

1 - La date d’expédition du bulletin d’adhésion emporte rupture du contrat
A. Une rupture automatique et sans lettre de licenciement
Le salarié qui accepte un CSP voit son contrat de travail rompu de plein droit dès l’envoi du bulletin d’adhésion (C. trav., art. L.1233-67). Aucune lettre de licenciement n’est requise.
C’est la date d’expédition qui fait foi, et non celle de réception par l’employeur. Ainsi, la rupture intervient avant même que ce dernier ait pu, le cas échéant, adresser une quelconque notification complémentaire. Dans l’affaire jugée, la salariée avait expédié son bulletin le 19 mai. L’employeur, pour sa part, n’avait adressé la lettre expliquant le motif économique que le 20 mai. Ce léger décalage de 24 heures a suffi à invalider toute la procédure.
B. Une jurisprudence cohérente et constante
La haute juridiction s’était déjà prononcée en ce sens dans des décisions antérieures (Cass. soc., 18 janv. 2023, n° 21-19.349). La chambre sociale adopte ici une interprétation rigoureuse mais cohérente : l’adhésion au CSP constitue un acte unilatéral, dont la validité repose sur une information préalable complète, claire et surtout formalisée par écrit.
2 - L’information sur le motif économique : une obligation écrite préalable
A. Une exigence fondée sur les textes
L’employeur qui propose un CSP doit informer le salarié, dans les conditions prévues aux articles L.1233-65 et L.1233-66 du Code du travail, des éléments suivants :
- le motif économique précis justifiant la suppression de poste ou la modification du contrat,
- la possibilité de bénéficier d’une priorité de réembauche (C. trav., art. L.1233-45).
Cette information ne peut être verbale, ni simplement déduite de réunions internes. Elle doit être donnée par écrit, soit dans une note spécifique, soit dans le document accompagnant le bulletin d’adhésion.
B. Les conséquences d’un manquement
En l’absence de remise écrite de cette information avant l’envoi du bulletin d’adhésion, la rupture est réputée sans cause réelle et sérieuse. L’employeur pourra ainsi être condamné à verser :
- l’indemnité de licenciement,
- des dommages et intérêts pour irrégularité de procédure (C. trav., art. L.1235-3-1),
- une éventuelle indemnité pour non-respect du droit à la réembauche.
Dans la décision du 26 mars 2025, la Cour écarte tous les arguments de l’employeur, y compris ceux relatifs à la connaissance présumée de la situation économique par la salariée du fait de ses fonctions.
3 - Sécuriser la procédure : recommandations pratiques pour les employeurs
A. Documenter dès l’entretien préalable
L’écrit exposant le motif économique doit être remis lors de l’entretien préalable, en même temps que le bulletin d’adhésion au CSP. Il est recommandé de :
- joindre un document synthétique exposant la situation économique de l’entreprise,
- dater ce document et le faire signer pour réception par le salarié,
- conserver une copie pour l’instruction éventuelle du dossier.
Cette documentation est d’autant plus essentielle que le CSP ne prévoit pas l’émission d’une lettre de licenciement en cas d’adhésion.
B. Se faire accompagner dans la rédaction
Pour limiter le risque de contentieux, l’intervention d’un avocat en droit du travail à Versailles ou dans les Yvelines est fortement conseillée. Il pourra :
- valider la conformité juridique des documents transmis,
- rédiger une note explicative sur le motif économique conforme aux exigences légales,
- assister l’employeur dans la formalisation des échanges avec le salarié.
Une rupture de contrat via CSP, bien que conçue pour fluidifier la gestion des licenciements économiques, ne saurait s’affranchir du respect des droits fondamentaux du salarié. L’arrêt du 26 mars 2025 s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle cohérente : en cas d’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, l’information sur le motif économique doit être transmise par écrit au salarié avant l’envoi du bulletin.
Cette exigence, loin d’être accessoire, conditionne la validité même de la rupture. Il revient aux employeurs de s’assurer du strict respect de cette formalité, sous peine de voir leur décision requalifiée et d’engager leur responsabilité. Dans un contexte de restructuration, où chaque erreur peut coûter cher, la prudence rédactionnelle est un impératif juridique.
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