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Imprescriptibilité du bail commercial : la Cour tranche en 2025

Auteur : Noémie Le Bouard   Mise à jour :   Lecture : 2 minutes

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La Cour de cassation confirme en 2025 que l’action en constatation d’un bail commercial né après un bail dérogatoire est imprescriptible.

  SOMMAIRE :

    La Cour de cassation a rendu, le 19 juin 2025 (3e civ., n° 24-22.125), un arrêt décisif en matière de baux commerciaux. Elle y confirme que l’action en constatation de l’existence d’un bail commercial né du maintien en possession du preneur à l’issue d’un bail dérogatoire est imprescriptible. Cette décision, rendue à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité, renforce la sécurité du locataire mais impose au bailleur une vigilance accrue.

    Bail commercial

    1 - Le cadre légal et la distinction entre constatation et requalification

    Le bail dérogatoire, prévu par l’article L. 145-5 du Code de commerce, permet aux parties de déroger temporairement au statut des baux commerciaux. Toutefois, si le preneur reste dans les lieux à l’expiration du contrat et que le bailleur ne s’y oppose pas, la loi considère qu’un nouveau bail commercial statutaire est automatiquement formé.

    Il est alors essentiel de distinguer deux actions :

    • L’action en constatation, qui vise à reconnaître l’existence d’un bail né automatiquement de la loi. Elle est imprescriptible.
    • L’action en requalification, qui tend à faire reconnaître qu’un contrat présenté comme non statutaire doit être qualifié de bail commercial. Elle est soumise à la prescription biennale de l’article L. 145-60 du Code de commerce.

    Cette distinction est la clé de voûte de la solution retenue par la Cour.

    2 - L’analyse constitutionnelle et les arguments de la Cour de cassation

    Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le bailleur soutenait que l’imprescriptibilité portait atteinte à la sécurité juridique (art. 16 DDHC), au droit de propriété (art. 2 DDHC) et au principe d’égalité (art. 1 et 6 DDHC).
    La Cour de cassation a jugé la question non sérieuse et a refusé le renvoi au Conseil constitutionnel, en exposant trois arguments principaux :

    • Le droit de propriété du bailleur n’est pas atteint puisqu’il peut s’opposer au maintien du preneur avant l’échéance.
    • Le principe d’égalité est respecté car bailleur et preneur disposent de la même faculté d’agir en constatation.
    • La sécurité juridique n’est pas compromise : la différence entre constatation (imprescriptible) et requalification (soumise à délai) est justifiée par la nature même des actions.

    Cette motivation consolide la jurisprudence déjà affirmée en 2014 et 2023.

    3 - Les conséquences pratiques pour bailleurs et preneurs

    Pour le preneur, l’imprescriptibilité constitue une garantie forte. Même plusieurs années après la fin d’un bail dérogatoire, il peut revendiquer le bénéfice du statut des baux commerciaux, protégeant ainsi son fonds de commerce et son droit au renouvellement.

    Pour le bailleur, le risque est majeur : l’inaction équivaut à accepter tacitement la naissance d’un bail commercial, avec toutes ses conséquences financières et juridiques. Il doit donc :

    • anticiper la fin du bail dérogatoire,
    • notifier son opposition formelle au maintien,
    • éviter tout comportement (quittances, encaissements) qui pourrait être interprété comme une tolérance.

    Cette décision rappelle que la vigilance contractuelle est une condition de maîtrise de la relation locative.

    L’arrêt du 19 juin 2025 confirme que l’action en constatation d’un bail commercial né du maintien en possession est imprescriptible. Cette solution protège les locataires mais impose aux bailleurs de se montrer rigoureux. La règle illustre une évidence en droit des affaires : le silence et la passivité d’une partie peuvent produire des effets juridiques irréversibles.

    LE BOUARD AVOCATS
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