L’agent commercial est un intermédiaire clé dans le développement commercial des entreprises. En contrepartie de son activité, il perçoit des commissions sur les affaires conclues grâce à son intervention. Lorsqu’un mandant décide de mettre fin à la relation contractuelle, le droit à une indemnité compensatrice est consacré par l’article L. 134-12 du code de commerce.
Toutefois, cette indemnité fait l’objet de nombreux litiges, notamment sur son mode de calcul et les éventuelles circonstances pouvant justifier sa réduction ou son exclusion.
Certains mandants invoquent la signature d’un nouveau contrat par l’agent ou encore l’absence de clause de non-concurrence pour minorer leur obligation d’indemnisation. Dans un arrêt du 29 janvier 2025, la Cour de cassation a rappelé que ces éléments postérieurs à la rupture ne peuvent pas être pris en compte pour réduire l’indemnité due.
Cet article analyse le cadre juridique de l’indemnisation de l’agent commercial, les critères d’évaluation retenus et les cas dans lesquels elle peut être refusée.

1 - Un droit à indemnisation automatique en cas de rupture par le mandant
Une indemnité compensatrice prévue par la loi
L’article L. 134-12 du code de commerce pose un principe clair : l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en cas de rupture du contrat par le mandant, sauf exceptions légales. Ce droit vise à compenser la perte des revenus futurs liés à l’exploitation de la clientèle constituée par l’agent.
Cette disposition s’applique aussi bien aux contrats à durée déterminée qu’aux contrats à durée indéterminée, bien que leur mode d’évaluation diffère. Lorsque le contrat est à durée déterminée, l’indemnité correspond généralement aux commissions qui auraient dû être perçues jusqu’au terme prévu. En revanche, pour un contrat à durée indéterminée, les juges se basent sur les usages et la durée de la relation commerciale pour évaluer le montant de l’indemnité.
Un montant évalué en fonction des commissions perçues
Le code de commerce ne précise pas le mode de calcul de l’indemnité compensatrice. Toutefois, la jurisprudence fixe des critères d’évaluation, notamment :
- La durée de la relation contractuelle, qui influence le montant de l’indemnité.
- Les commissions perçues, qui constituent la base de calcul principale.
- Les usages professionnels, qui prévoient généralement une indemnité équivalente à deux ans de commissions brutes.
Toutefois, si l’agent commercial n’a jamais perçu de commissions significatives au cours du contrat, les juges peuvent refuser l’indemnisation, estimant que le préjudice n’est pas avéré.
2 - Tentatives de réduction de l’indemnité par le mandant
L’invocation d’événements postérieurs à la rupture
Les mandants tentent parfois de justifier une réduction de l’indemnité en avançant que l’agent commercial a rapidement retrouvé un autre mandat après la rupture. Dans l’affaire jugée par la Cour de cassation le 29 janvier 2025, la cour d’appel avait retenu plusieurs éléments pour limiter l’indemnisation :
- L’agent commercial avait retrouvé un emploi immédiatement après la rupture.
- Il n’était pas lié par une clause de non-concurrence, ce qui lui permettait d’exercer librement pour un autre mandant.
- Il ne justifiait pas des nouvelles commissions perçues.
La Cour de cassation a annulé cette décision, précisant que le préjudice subi par l’agent doit être évalué en fonction des revenus qu’il aurait dû percevoir si la relation avait continué, sans tenir compte des circonstances postérieures à la rupture.
L’absence de clause de non-concurrence
Un autre argument souvent avancé consiste à considérer que l’absence de clause de non-concurrence limiterait le préjudice de l’agent. Or, la jurisprudence est constante sur ce point : l’indemnité compensatrice ne dépend pas de la possibilité pour l’agent d’exercer immédiatement pour un autre mandant. Ce qui importe est la perte de la clientèle constituée et non l’opportunité pour l’agent de retrouver une activité.
3 - Les cas où l’indemnité n’est pas due
Les exceptions légales
L’article L. 134-13 du code de commerce exclut le droit à indemnisation dans trois cas précis :
Faute grave de l’agent commercial
- Un agent qui commet une faute suffisamment grave pour justifier une rupture immédiate du contrat perd son droit à indemnisation.
- Exemples : détournement de clientèle, non-respect des obligations contractuelles, violation du devoir de loyauté.
Rupture du contrat à l’initiative de l’agent
- En principe, un agent qui décide de rompre son contrat ne peut pas prétendre à une indemnité compensatrice.
- Il existe toutefois des exceptions, notamment en cas de départ forcé pour des raisons de santé ou de comportements fautifs du mandant.
Cession du contrat à un tiers
- Lorsqu’un agent commercial cède son contrat avec l’accord du mandant, il ne subit pas de préjudice et ne peut donc pas réclamer d’indemnisation.
L’absence de commissions perçues
Dans certains cas, la Cour de cassation a refusé d’accorder une indemnité compensatrice lorsque l’agent commercial n’avait jamais perçu de commissions significatives au cours de l’exécution du contrat. Si l’agent n’a généré aucun revenu, les juges estiment qu’il ne subit pas de préjudice et écartent ainsi toute indemnisation.
4 - Ce qu’il faut retenir sur l’indemnité compensatrice de l’agent commercial
🔹 Un droit à indemnisation en cas de rupture du contrat par le mandant L’indemnité compensatrice est due quelle que soit la cause de la rupture, sauf exceptions légales. Son montant est généralement basé sur les commissions perdues et correspond souvent à deux ans de rémunération brute.
🔹 Des arguments irrecevables pour limiter l’indemnité L’agent ne peut pas être privé d’indemnisation au motif qu’il a retrouvé un emploi rapidement ou qu’il n’était pas soumis à une clause de non-concurrence. Ces éléments ne sont pas pris en compte dans l’évaluation du préjudice.
🔹 Des exceptions prévues par la loi L’indemnité peut être refusée en cas de faute grave de l’agent, de rupture à son initiative, ou si le contrat a été cédé à un tiers avec l’accord du mandant.
5 - Conclusion
L’indemnité compensatrice de l’agent commercial est un droit fondamental, visant à compenser la perte de la clientèle développée au profit du mandant. Son montant est calculé en fonction des commissions perçues, sans tenir compte des éléments postérieurs à la rupture. Toutefois, certaines exceptions permettent au mandant d’échapper à cette obligation, notamment en cas de faute grave de l’agent ou d’absence de revenus significatifs pendant l’exécution du contrat.
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