L’indemnité d’occupation rétroactive peut lourdement impacter le locataire commercial lorsque le bailleur exerce son droit d’option après fixation judiciaire du loyer. Comment anticiper ce risque ? Quels sont les délais impératifs à respecter et les moyens de défense possibles pour le locataire face à cette indemnité souvent élevée ?
Cet article apporte un éclairage précis sur les règles applicables et les dernières évolutions jurisprudentielles.
1 - Principe du droit d’option : définition, délai et enjeux pour le bailleur commercial
Qu’est-ce que le droit d’option en matière de bail commercial ?
Le droit d'option, prévu par les articles L. 145-57 et L. 145-28 du Code de commerce, offre aux parties – bailleur et locataire – un délai de réflexion supplémentaire après fixation judiciaire du nouveau loyer commercial. Initialement, le bailleur peut accepter le principe du renouvellement tout en demandant au juge une révision du loyer à la hausse.
Mais ce dernier peut, après avoir pris connaissance de la décision judiciaire fixant ce loyer, exercer un revirement en refusant finalement le renouvellement du bail. Ce droit d’option doit être exercé dans le délai impératif d’un mois à compter du caractère définitif de la décision judiciaire. Ce délai constitue une véritable épée de Damoclès pour le locataire, car son exercice entraîne des conséquences importantes, notamment financières.
L’intérêt stratégique du droit d’option pour le bailleur
Le bailleur peut initialement accepter tacitement ou expressément un renouvellement afin de préserver la relation contractuelle et sécuriser temporairement ses revenus locatifs.
Cependant, lorsque la décision judiciaire fixant le nouveau loyer s’avère défavorable – par exemple un loyer plafonné nettement inférieur à la valeur locative du marché –, le bailleur peut préférer rompre la relation contractuelle plutôt que de subir un loyer dégradé pendant plusieurs années. Le droit d'option constitue donc une arme juridique particulièrement stratégique pour les bailleurs commerciaux :
- Il permet de tester le marché sans s’engager définitivement.
- Il offre un levier de négociation puissant vis-à-vis du locataire.
- Il évite une dévalorisation à long terme des locaux loués en cas de loyer plafonné.
2 - Indemnité d’occupation rétroactive : portée et calcul après l’exercice du droit d’option
À partir de quand l’indemnité d’occupation se substitue-t-elle au loyer ?
L’arrêt récent de la Cour de cassation du 27 février 2025 (Cass. 3e civ. n° 23-18.219) clarifie définitivement ce point. Lorsqu’un bailleur exerce son droit d’option et refuse finalement le renouvellement du bail, la conséquence directe est une substitution rétroactive d’une indemnité d’occupation au loyer initialement dû.
Cette substitution prend effet dès l’expiration du bail, même si le bailleur avait précédemment accepté le principe du renouvellement. En d’autres termes, l’indemnité d’occupation court rétroactivement depuis la date à laquelle le bail initial expirait (et non à partir du moment où le bailleur exprime son droit d’option).
Comment est fixée l’indemnité d’occupation due par le locataire ?
En matière d’indemnité d’occupation, c’est l’article L. 145-28 du Code de commerce qui impose la référence à la valeur locative réelle des locaux loués, calculée selon les critères définis à l’article L. 145-33 du même Code. Cette valeur locative réelle échappe donc totalement au régime protecteur du plafonnement du loyer.
Elle peut être substantiellement supérieure à ce dernier, notamment lorsque le marché immobilier local connaît une forte dynamique ou que le local commercial bénéficie d’une localisation particulièrement attractive. De manière synthétique :
- L’indemnité remplace rétroactivement le loyer dû initialement.
- Son montant est fixé selon la valeur locative réelle, souvent supérieure au loyer plafonné.
- Elle constitue une dette locative dont le locataire ne peut s’affranchir.
Cette rétroactivité financière peut créer une situation complexe pour le locataire qui doit anticiper ce risque financier dès l’ouverture de la procédure judiciaire.
3 - Limites et stratégies de défense du locataire face au droit d’option du bailleur
Quelles limites juridiques encadrent le droit d’option du bailleur ?
Si le droit d’option est une prérogée forte du bailleur, il n’est cependant pas absolu. Le bailleur doit impérativement exercer ce droit dans le mois suivant la décision définitive fixant le nouveau loyer (art. L. 145-57 du Code de commerce). Passé ce délai strict, l’acceptation initiale du renouvellement est considérée comme définitive et le bailleur ne peut plus se raviser.
De même, ce droit doit être exercé de manière claire et non équivoque, par acte extrajudiciaire ou courrier recommandé avec accusé de réception, afin de préserver la sécurité juridique du locataire.
Comment le locataire peut-il se défendre face à une indemnité d’occupation rétroactive élevée ?
Face à l’exercice du droit d’option et à une indemnité élevée, le locataire dispose néanmoins de plusieurs voies de défense possibles :
- Contestation de la valeur locative : recours à une expertise judiciaire pour contester le montant demandé.
- Demande d’abattement de précarité : les juges admettent parfois une décote pour précarité liée à l’absence de titre régulier après l’exercice du droit d’option.
- Absence de rétroactivité : si l’exercice du droit d’option intervient hors délai ou de manière imprécise, le locataire peut contester le principe même de la rétroactivité.
Le locataire doit donc être extrêmement attentif aux conditions dans lesquelles le bailleur exerce son droit d’option, notamment sur le plan formel et procédural.
Ce qu’il faut retenir sur l’indemnité d’occupation rétroactive après exercice du droit d’option
Pour synthétiser clairement les enjeux pratiques de cette question complexe :
- Rétroactivité de l’indemnité : dès la date d’expiration du bail initial, même si l’exercice du droit d’option est postérieur.
- Calcul déplafonné : l’indemnité est fixée selon la valeur locative réelle, généralement supérieure au loyer plafonné.
- Délais stricts : le droit d’option doit être exercé impérativement dans le mois suivant la décision définitive fixant le nouveau loyer.