Depuis le 1er septembre 2024, la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) applique une nouvelle doctrine relative à l’indemnisation des arrêts de travail discontinus. Cette réforme, bien que peu médiatisée, a d’ores et déjà un impact concret sur les obligations des employeurs en matière de gestion administrative des arrêts maladie et de transmission des données sociales via la DSN. Elle supprime désormais toute tolérance d’indemnisation des jours non prescrits entre deux arrêts médicaux successifs, même en cas de prolongation.
En pratique, cela implique une refonte des réflexes RH et paie en matière de déclaration d’arrêts, de traitement des carences, et de continuité des IJSS. Cet article vise à identifier, de façon pragmatique, les trois principaux ajustements urgents que doivent mettre en œuvre les employeurs.

1 - Renforcer les consignes aux salariés sur les délais de prescription
A. Une rupture stricte dans l’indemnisation en cas d’interruption non couverte
Jusqu’à présent, une certaine tolérance permettait de maintenir le versement des indemnités journalières maladie (IJSS) entre deux arrêts, même en l’absence de prescription médicale couvrant le week-end. Depuis le 1er septembre 2024, cette pratique est révolue : toute interruption, même de 48 heures, entraîne une perte d’indemnisation pour les jours non prescrits.
Cette mesure s’applique même lorsque le deuxième arrêt est une prolongation du premier. Il en résulte un risque accru de rupture de droit pour le salarié et un vide temporaire dans la gestion de sa couverture sociale.
B. Informer les salariés des nouvelles exigences médicales
Les employeurs doivent désormais informer leurs salariés qu’un arrêt prolongé doit être prescrit sans discontinuité. À défaut, aucun jour intercalaire ne sera indemnisé, même si le médecin coche « prolongation » sur le second arrêt. Il est donc impératif que les services RH :
- sensibilisent les collaborateurs sur la nécessité d’obtenir une prolongation avant l’échéance de l’arrêt initial ;
- préviennent les retards de rendez-vous médicaux en période de fin de semaine ou de ponts fériés ;
- proposent, le cas échéant, une solution de télémédecine pour éviter les ruptures de prescription.
2 - Adapter les pratiques de paie : carence, attestation, DSN
A. Recalculer les délais de carence à chaque interruption
Le changement de doctrine a un effet direct sur le délai de carence applicable. Lorsque le second arrêt est prescrit comme « initial » et qu’il suit une interruption, même de deux jours, un nouveau délai de carence de 3 jours s’applique (article R. 323-1 du Code de la sécurité sociale).
Même si la prescription est cochée « prolongation », aucune IJ n’est versée sur les jours non couverts, et l’absence de carence ne signifie pas reprise automatique des droits : le salarié devra reprendre le fil de l’indemnisation à compter de la nouvelle prescription.
B. Réévaluer les flux déclaratifs dans la DSN
La réforme oblige à revoir les pratiques en DSN. Désormais :
- lorsque le second arrêt est coché en « initial » : une nouvelle attestation de salaire est nécessaire ;
- lorsque l’interruption est supérieure à deux jours, un nouveau signalement « arrêt de travail » doit être envoyé (alors que ce n’était pas le cas auparavant pour les prolongations).
Les gestionnaires paie doivent vérifier l’exactitude des prescriptions médicales et des interruptions pour éviter les anomalies de traitement ou les rejets de flux.
3 - Anticiper les impacts sur les compléments employeurs et la gestion des absences
A. Gestion des IJSS complémentaires et maintien de salaire
La réforme impacte mécaniquement les conventions de maintien de salaire. Si la CPAM ne verse plus d’IJSS pour les jours non prescrits, les entreprises devront décider si elles maintiennent ou non la part complémentaire sur ces périodes. Deux options s’offrent à l’employeur :
- soit suspendre également le maintien en l’absence d’IJSS (selon les clauses contractuelles ou la convention collective applicable) ;
- soit maintenir à titre gracieux (ce qui doit être encadré pour éviter une jurisprudence de droit acquis).
Un audit de la politique de maintien de salaire est donc recommandé.
B. Révision des règles d’absentéisme et de contrôle médical
Les directions RH doivent également réviser leurs outils internes d’analyse des absences longues ou discontinues. En effet, les jours non indemnisés ne peuvent plus être considérés comme « couverts » par un arrêt, et la responsabilité du salarié dans le non-respect des délais peut être engagée. Il conviendra de :
- mettre à jour les procédures internes de gestion des arrêts ;
- former les équipes RH et paie à cette nouvelle doctrine ;
- actualiser les mentions dans les notices internes ou guides du personnel.
Ce changement doctrinal de la CNAM, discret mais structurant, marque une véritable rupture dans la gestion sociale des arrêts de travail discontinus. Il impose aux employeurs un renforcement immédiat des consignes internes, un ajustement des pratiques déclaratives, et une vigilance renforcée dans la coordination avec les salariés et les organismes de santé.
L’absence d’anticipation pourrait non seulement priver le salarié d’une couverture sociale continue, mais aussi exposer l’employeur à des tensions sur les compléments de rémunération, ou des erreurs déclaratives susceptibles de générer un redressement ou un contentieux.
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