Une clause du PSE subordonnée à l'absence de recours : une atteinte au droit fondamental d’agir
Dans un arrêt remarqué du 22 janvier 2025 (n° 23-11.033), la chambre sociale de la Cour de cassation confirme l’illicéité d’une clause figurant dans un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) subordonnant le versement d’indemnités à l’absence d’action contentieuse, qu’elle soit individuelle ou collective. Une telle stipulation porte, selon la Cour, une atteinte disproportionnée au droit fondamental d’accès au juge, protégé par le bloc de constitutionnalité et la Convention européenne des droits de l’homme.

1 - Une restriction injustifiée au droit d’accès au juge
Une pratique managériale risquée désormais sanctionnée
Dans un arrêt du 22 janvier 2025 (Cass. soc., 22 janv. 2025, n° 23-11.033), la Cour de cassation a réaffirmé avec force qu’une clause insérée dans un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), subordonnant le bénéfice des indemnités à l’absence de tout recours judiciaire, est nulle. En l’espèce, l’entreprise conditionnait le versement de ces sommes à la non-contestation de la régularité de la procédure de licenciement collectif, tant par les représentants du personnel que par les salariés individuellement.
Une atteinte directe au droit d’agir en justice
Le droit de saisir une juridiction est une liberté fondamentale consacrée à la fois par l’article L. 1121-1 du Code du travail, l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’homme, et le préambule de la Constitution française. Or, subordonner une indemnisation à la renonciation préalable à ce droit revient à en entraver l’exercice, sans justification admissible. La Cour qualifie dès lors une telle clause d’illicite.
2 - Un préjudice réparable même sans application de la clause
La pression psychologique comme fondement du préjudice
Fait remarquable : dans l’affaire jugée, les salariés avaient exercé un recours judiciaire malgré la clause litigieuse, et avaient perçu leurs indemnités. Pourtant, les juges du fond ont reconnu l’existence d’un préjudice moral autonome, lié à la pression qu’une telle stipulation faisait peser sur eux. La Cour de cassation valide ce raisonnement, soulignant que l’insertion d’une clause portant atteinte à une liberté fondamentale peut, en elle-même, justifier l’octroi de dommages-intérêts.
Une reconnaissance du pouvoir souverain des juges du fond
Il appartient aux juges d’apprécier l’existence et l’étendue d’un tel préjudice. En l’espèce, la cour d’appel avait alloué 2 500 euros à chaque salarié au titre de ce dommage immatériel. Une somme que la Cour de cassation a confirmée, rappelant que l’inexécution de la clause n’en annule pas pour autant l’atteinte juridique.
3 - Le cadre juridique applicable aux clauses de renonciation
Une interdiction générale de renonciation anticipée aux droits
Selon l’article L. 1231-4 du Code du travail, il est interdit à un salarié comme à un employeur de renoncer à l’avance aux règles encadrant la rupture du contrat. Cette disposition rend inopposable toute clause visant à empêcher un salarié de contester son licenciement ou les mesures qui en découlent.
Les limites de la transaction dans un contexte collectif
La jurisprudence avait déjà exclu la possibilité pour un employeur de conditionner le versement d’une indemnité prévue par un accord collectif ou un PSE à la conclusion d’une transaction (Cass. soc., 14 juin 2006, n° 04-48.157). Elle réaffirme ici ce principe, en interdisant toute forme de troc entre indemnisation et renoncement procédural.
Un rappel au respect de l’ordre public social
Cet arrêt du 22 janvier 2025 est un avertissement clair à destination des employeurs : les clauses ayant pour objet ou pour effet de restreindre l’accès au juge sont prohibées, même si elles ne sont jamais appliquées. Leur simple présence dans un plan de sauvegarde de l’emploi est suffisante pour engager la responsabilité de l’entreprise. Les directions juridiques et les partenaires sociaux doivent veiller, dans la rédaction des PSE, à respecter le périmètre intangible des droits fondamentaux.
En matière de rupture du contrat de travail, la transparence, la loyauté procédurale et le respect des libertés individuelles ne sauraient faire l’objet d’un marchandage, fût-il indirect. La sécurité juridique du dispositif s’évalue aussi à l’aune de sa compatibilité avec l’ordre public social.
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