L’augmentation de capital est une opération courante permettant aux sociétés de renforcer leurs fonds propres ou de répondre à des exigences réglementaires locales. Toutefois, la qualification comptable des titres souscrits dans ce cadre peut soulever des interrogations, en particulier sur leur traitement en tant que titres de participation ou titres de placement.
La cour administrative d’appel de Paris, dans un arrêt du 11 octobre 2024, a rappelé que les titres acquis lors d’une augmentation de capital doivent être qualifiés de la même manière que ceux détenus antérieurement, dès lors que l’investisseur entend maintenir son contrôle sur la société émettrice (CAA Paris, 11 oct. 2024, n° 22PA04107).
Cette décision, en cohérence avec la jurisprudence du Conseil d’État (CE, 8 nov. 2019, n° 422377 ; CE, 11 juin 2024, n° 470721), impacte directement le régime fiscal des plus-values et des moins-values et oblige les entreprises à une gestion rigoureuse de leurs participations.

1 - Une continuité de qualification comptable des titres souscrits
L’article L. 233-2 du code de commerce définit les titres de participation comme ceux dont la possession durable permet d’exercer une influence sur la société émettrice ou d’en assurer le contrôle. À l’inverse, les titres de placement sont acquis pour une détention à court ou moyen terme, sans intention d’influence stratégique.
La cour administrative d’appel de Paris a affirmé que les titres souscrits dans le cadre d’une augmentation de capital ne peuvent être qualifiés différemment de ceux acquis précédemment, sous réserve que l’acquéreur maintienne son intention de contrôle. Cette position repose sur deux principes fondamentaux :
- Cohérence comptable : la qualification initiale des titres ne peut être modifiée au gré des opérations financières.
- Stabilité du contrôle : si la recapitalisation vise à maintenir une emprise sur la société, les nouveaux titres doivent être considérés comme des titres de participation.
L’objectif est d’éviter toute requalification artificielle qui pourrait affecter le traitement fiscal de l’opération.
2 - Conséquences fiscales : plus-values, moins-values et redressements
2.1. Un impact direct sur le régime des plus-values
La fiscalité des cessions de titres varie selon leur qualification :
- Titres de participation : exonération d’impôt sur les sociétés sous réserve d’une taxation forfaitaire de 12 % sur la plus-value nette (Article 219, I-a ter du CGI).
- Titres de placement : imposition au taux normal de l’impôt sur les sociétés (15 % ou 25 % selon les cas).
En conséquence, une entreprise qui détient des titres de participation bénéficie d’un régime fiscal plus avantageux en cas de cession, comparé aux titres de placement qui sont taxés de manière plus stricte.
2.2. Une déduction limitée des moins-values
La qualification des titres a également un effet majeur sur la déductibilité des pertes :
- Titres de participation : les moins-values ne sont pas déductibles, sauf en cas de liquidation sans transmission universelle du patrimoine (Article 39 quaterdecies du CGI).
- Titres de placement : les moins-values sont intégralement déductibles du résultat imposable.
Dans l’affaire jugée par la cour administrative d’appel de Paris, l’administration fiscale a limité la déduction d’une moins-value constatée lors de la liquidation d’une filiale, en appliquant le régime propre aux titres de participation (CAA Paris, 11 oct. 2024, n° 22PA04107). Cette distinction est essentielle, car elle peut conduire à des ajustements fiscaux significatifs en cas de contrôle.
3 - Sécuriser la qualification des titres pour éviter un redressement fiscal
Face à ces enjeux, il est essentiel pour les entreprises de documenter précisément la qualification des titres dès leur acquisition afin d’éviter toute requalification par l’administration fiscale.
3.1. Justifier la qualification comptable dès la souscription
Pour prévenir tout litige, il convient de :
✔ Rédiger une note interne expliquant les motifs de l’acquisition et l’intention de détention des titres.
✔ Démontrer l’influence exercée sur la société émettrice (participation aux décisions stratégiques, contrôle des organes de gouvernance).
✔ Maintenir une cohérence dans les comptes, en évitant toute requalification ultérieure des titres détenus.
3.2. Anticiper l’impact fiscal des cessions et des liquidations
Avant toute opération impliquant une cession de titres ou une liquidation de filiale, il est crucial d’évaluer les conséquences fiscales et de prévenir tout risque de redressement :
✔ Vérifier que la cession de titres de participation ne génère pas une moins-value non déductible.
✔ En cas de liquidation, analyser l’impact de la radiation des titres et la déductibilité des pertes sur créances.
✔ Solliciter un rescrit fiscal en cas de doute sur la qualification des titres. Une gestion proactive et une documentation rigoureuse permettent de sécuriser les opérations et d’optimiser la fiscalité des participations.
4 - Conclusion
L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 11 octobre 2024 confirme un principe essentiel : les titres souscrits lors d’une augmentation de capital mise en place par un avocat en droit des sociétés doivent conserver la même qualification que ceux acquis antérieurement, sous réserve que l’investisseur maintienne son contrôle sur la société émettrice.
Cette jurisprudence souligne l’importance d’une cohérence comptable et fiscale dans la gestion des participations. Les entreprises doivent anticiper ces enjeux, en veillant à bien documenter leurs intentions de détention et à s’assurer du traitement fiscal conforme de leurs titres. Une mauvaise qualification peut entraîner des conséquences fiscales lourdes, notamment en matière de plus-values et de déductibilité des moins-values.
Dans ce contexte, une approche prudente et méthodique est essentielle pour éviter tout redressement et sécuriser la gestion des participations.
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