Le rescrit fiscal est devenu un outil incontournable pour les dirigeants qui souhaitent sécuriser leurs décisions avant d’engager des opérations complexes. Toutefois, lorsque la réponse de l’administration est défavorable, la question du recours se pose. Le recours pour excès de pouvoir, voie classique du contentieux administratif, peut-il être utilisé ? La jurisprudence récente du Conseil d’État a apporté des précisions importantes.

1 - Le rescrit fiscal : un outil de sécurisation à double tranchant
Le rescrit fiscal, prévu par l’article L. 80 B du Livre des procédures fiscales, permet d’interroger l’administration sur l’application d’un texte fiscal à une situation donnée.
- En cas de réponse favorable, le contribuable bénéficie d’une garantie juridique : l’administration est liée par sa position.
- En cas de réponse défavorable, les conséquences peuvent être lourdes, puisqu’elles privent l’entreprise d’un avantage fiscal anticipé.
Le rescrit constitue donc un instrument de pilotage des risques, mais il n’est pas toujours synonyme de stabilité. L’administration peut, en effet, revenir sur une position antérieure favorable, exposant ainsi l’entreprise à une insécurité juridique et financière.
2 - Quand le recours pour excès de pouvoir est-il recevable ?
En principe, un rescrit défavorable relève du contentieux fiscal. Mais le Conseil d’État a reconnu que le recours pour excès de pouvoir (REP) est recevable lorsque la décision produit des effets notables autres que fiscaux.
Ces effets dépassent la simple imposition et peuvent concerner :
- le renoncement à un projet d’implantation ou d’investissement,
- une atteinte à la compétitivité de l’entreprise,
- des difficultés contractuelles avec des partenaires,
- un déséquilibre économique majeur.
Un élément est déterminant : le caractère préalable de la demande.
- Si le rescrit a été sollicité avant l’opération, la décision défavorable est présumée produire des effets notables, conformément à l’article L. 80 B, 2° du LPF.
- Si la demande est postérieure, cette présomption tombe et le dirigeant doit démontrer les conséquences extra-fiscales concrètes.
3 - Les enseignements pratiques pour les dirigeants d’entreprise
La jurisprudence récente apporte trois enseignements essentiels pour les chefs d’entreprise :
- Anticiper les demandes : toujours déposer le rescrit avant l’opération afin de bénéficier de la présomption d’effets notables et d’assurer la recevabilité d’un éventuel recours.
- Mesurer les impacts extra-fiscaux : documenter les effets économiques, contractuels et organisationnels d’une décision défavorable afin de soutenir une contestation.
- Prévoir l’éventualité d’un revirement : même une position favorable peut être remise en cause par l’administration. La nouvelle décision pourra être attaquée, mais uniquement dans les conditions prévues pour un rescrit défavorable.
Pour un chef d’entreprise, le rescrit fiscal n’est pas seulement une garantie de conformité. C’est un véritable outil de gestion du risque, dont l’utilisation doit être intégrée dans la stratégie juridique et financière de l’entreprise.
LE BOUARD AVOCATS
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