Accueil     Droit des Sociétés     Responsabilité du gérant de SARL : convention réglementée et gestion

Responsabilité du gérant de SARL : convention réglementée et gestion

Auteur : Noémie Le Bouard   Mise à jour :   Lecture : 4 minutes

Consulter cet expert du droit

Un gérant de SARL peut être responsable d’une convention réglementée et d’une faute de gestion, même si la convention est approuvée.

  SOMMAIRE :

    Les gérants de SARL sont soumis à des obligations strictes en matière de gestion et de transparence. Lorsqu’ils concluent des conventions avec des entreprises dans lesquelles ils ont un intérêt, la loi impose des règles de contrôle et d’approbation afin d’éviter tout abus. Cependant, l’arrêt de la Cour de cassation du 18 décembre 2024 (Cass. com., n° 22-21.487) rappelle un principe fondamental : l’approbation d’une convention réglementée par les associés ne protège pas le gérant contre une action en responsabilité pour faute de gestion. Dès lors, un gérant peut voir sa responsabilité engagée sur deux fondements distincts :

    • Sur les conventions réglementées, lorsqu’elles sont irrégulières ou causent un préjudice à la société (article L. 223-19 du Code de commerce).
    • Sur la faute de gestion, si la convention, même approuvée, est manifestement contraire à l’intérêt social (article L. 223-22 du Code de commerce).

    Cette décision renforce l’obligation de prudence des dirigeants de SARL. Ils doivent non seulement respecter la procédure applicable aux conventions réglementées, mais aussi veiller à ce que leurs décisions servent l’intérêt de la société sous peine d’engager leur responsabilité.

    Responsabilité Gérant SARL

    1 - Conventions réglementées et responsabilité du gérant

    Un cadre juridique protecteur mais non absolu

    Les conventions réglementées sont définies par l’article L. 223-19 du Code de commerce. Il s’agit des contrats conclus entre la SARL et l’un de ses dirigeants ou associés, dès lors qu’ils ne concernent pas une opération courante conclue à des conditions normales. Afin de prévenir les conflits d’intérêts, la loi impose une procédure spécifique :

    • Le gérant doit informer les associés de l’existence et des conditions de la convention.
    • Un rapport spécial doit être présenté en assemblée générale.
    • Les associés doivent voter l’approbation ou le rejet de la convention.

    Si la convention est refusée, le gérant doit assumer les conséquences financières du contrat et peut être poursuivi pour avoir agi en contradiction avec l’intérêt social.

    L’approbation par les associés ne suffit pas

    Dans l’affaire du 18 décembre 2024, le gérant d’une SARL avait conclu une convention avec une société dont il détenait 99 % des parts. Cette convention, bien que formellement approuvée, s’est révélée extrêmement désavantageuse pour la SARL. Les associés ont donc engagé une action en responsabilité, reprochant au gérant d’avoir :

    • Favorisé ses intérêts personnels au détriment de la société.
    • Engagé la SARL dans un contrat déséquilibré, impactant négativement sa situation financière.

    La Cour de cassation a confirmé la condamnation du gérant, soulignant que la validation par l’assemblée ne suffit pas à exonérer un dirigeant ayant commis une faute de gestion.

    2 - Faute de gestion et responsabilité élargie du gérant

    Un fondement de responsabilité distinct et autonome

    L’article L. 223-22 du Code de commerce prévoit que les gérants de SARL sont responsables des infractions aux lois applicables, des violations des statuts et des fautes commises dans leur gestion. Une faute de gestion peut être retenue lorsque :

    • Le gérant prend des décisions contraires à l’intérêt social.
    • Il néglige ses obligations de contrôle et de prudence.
    • Il engage la société dans des opérations risquées sans justification valable.

    Ainsi, même si la convention est approuvée par l’assemblée générale, le gérant reste responsable si son exécution cause un préjudice à la société.

    Une protection limitée pour les dirigeants

    L’article L. 223-22, alinéa 5 du Code de commerce prévoit que les décisions de l’assemblée ne peuvent pas éteindre une action en responsabilité contre un gérant. Cela signifie que :

    • L’assemblée ne peut pas protéger un gérant fautif simplement en validant une convention.
    • Un dirigeant reste responsable de ses actes, même en cas d’accord des associés.
    • L’intérêt social prime sur les décisions internes, notamment lorsque la convention est financièrement dommageable.

    En conséquence, les gérants doivent être particulièrement vigilants lors de la conclusion de conventions réglementées.

    3 - Quelles précautions pour les gérants de SARL ?

    Une double obligation de transparence et d’intérêt social

    Face à cette jurisprudence, les dirigeants de SARL doivent respecter deux niveaux d’exigence :

    • Appliquer rigoureusement la procédure des conventions réglementées, en assurant une transparence totale.
    • S’assurer que la convention sert l’intérêt de la société, en justifiant économiquement chaque décision.

    Mesures concrètes pour limiter les risques

    Les gérants peuvent adopter plusieurs bonnes pratiques afin de sécuriser leurs décisions :

    Évaluer l’impact économique de la convention, notamment en s’appuyant sur un avis comptable ou juridique.

    Documenter précisément le processus décisionnel, en conservant les preuves de l’intérêt social.

    Solliciter un contrôle externe en cas de doute, par un expert-comptable ou un conseil juridique indépendant.

    Un principe potentiellement applicable aux autres sociétés

    Si cette décision concerne une SARL, elle peut également s’appliquer aux autres formes de sociétés, notamment :

    • Sociétés anonymes (SA) et Sociétés en commandite par actions (SCA), où les dirigeants sont soumis à des obligations de gestion similaires.
    • Sociétés par actions simplifiées (SAS), où les dirigeants doivent respecter des principes de loyauté et d’intérêt social.
    • Sociétés civiles à vocation économique, soumises aux mêmes principes de bonne gestion.

    4 - Conclusion : une vigilance accrue pour les gérants de SARL

    L’arrêt du 18 décembre 2024 confirme que les gérants de SARL ne peuvent pas se retrancher derrière une simple approbation des associés pour échapper à leur responsabilité. Dès lors, un gérant peut être poursuivi à la fois sur le fondement des conventions réglementées et sur celui de la faute de gestion si la convention est préjudiciable à la société.

    En pratique, l’anticipation et la documentation des décisions restent les meilleures stratégies pour éviter toute mise en cause. L’accompagnement par un conseil juridique spécialisé peut également permettre d’éviter des erreurs aux conséquences lourdes.

    💡
    Gouverner, c’est prévoir. Chaque convention doit être pensée dans une logique d’intérêt social et de pérennité de l’entreprise.

    LE BOUARD AVOCATS 4 place Hoche, 78000, Versailles   https://www.lebouard-avocats.fr/ https://www.avocats-lebouard.fr/ https://www.lebouardavocats.com/