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Salarié inapte : les CPAM exclues du groupe de reclassement obligatoire

Auteur : Noémie Le Bouard   Mise à jour :   Lecture : 4 minutes

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Pourquoi les CPAM ne constituent pas un groupe pour le reclassement du salarié déclaré inapte (arrêt Cassation mars 2025).

  SOMMAIRE :

    L’obligation de reclassement en cas d’inaptitude du salarié est un sujet délicat, souvent source de contentieux. Un récent arrêt de la Cour de cassation du 19 mars 2025 (Cass. soc., 19 mars 2025, n°23-21.210) est venu clarifier un point précis concernant les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM).

    Désormais, il est certain que ces organismes ne constituent pas un groupe de reclassement au sens strict du Code du travail. Analyse approfondie en trois volets essentiels.

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    1 - Cadre juridique actuel du reclassement pour inaptitude

    Lorsqu’un salarié est déclaré médicalement inapte, l’employeur est soumis à une obligation impérative : rechercher un reclassement. Les articles L. 1226-2 (inaptitude non professionnelle) et L. 1226-10 (inaptitude professionnelle) du Code du travail fixent clairement cette obligation :

    • L’employeur doit proposer au salarié un emploi correspondant à ses capacités physiques et professionnelles.
    • Cette recherche ne se limite pas uniquement à l’entreprise employeuse ; elle peut, le cas échéant, s’étendre au groupe auquel appartient cette entreprise.

    Toutefois, la définition de ce « groupe » a connu une évolution significative. Depuis les ordonnances de 2017, le groupe est défini selon des critères exclusivement capitalistiques, précisés par les articles L. 233-1, L. 233-3 et L. 233-16 du Code de commerce.

    En conséquence, seules les entités contrôlées directement par une entreprise dominante répondent à ce critère.

    Auparavant, la jurisprudence retenait un critère plus souple, basé principalement sur la possibilité effective de permutation du personnel entre entreprises, sans exigence de liens capitalistiques formels.

    2 - L'arrêt du 19 mars 2025 : la Cour de cassation exclut les CPAM du périmètre de groupe

    Contexte du litige présenté à la Cour de cassation

    Dans cette affaire, un salarié occupant le poste de sous-directeur au sein de la CPAM des Ardennes, déclaré inapte par le médecin du travail, contestait son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

    Sa contestation se fondait sur l’idée que la CPAM aurait dû étendre sa recherche de reclassement à d’autres CPAM du territoire français. Il estimait que ces organismes, bien qu’indépendants juridiquement, constituaient de fait un groupe en raison de la similarité de leurs missions et de leur organisation.

    La cour d’appel de Reims, saisie du dossier, avait rejeté cette analyse, estimant que les CPAM n’appartenaient pas à un groupe selon les critères légaux. Insatisfait, le salarié forma un pourvoi en cassation.

    La clarification apportée par la Haute Juridiction

    La Cour de cassation, par un arrêt très attendu du 19 mars 2025, rejette définitivement la thèse du salarié :

    • Elle rappelle clairement la définition actuelle et stricte du « groupe » prévue par les articles précités du Code du travail, renvoyant expressément aux critères capitalistiques définis dans le Code de commerce.
    • Elle affirme que, en l’absence totale de liens capitalistiques entre les CPAM, ces dernières ne constituent pas un groupe au sens strict du droit actuel.
    • Ainsi, la Cour exclut catégoriquement toute obligation de recherche de reclassement externe auprès d’autres CPAM pour l’employeur.

    Cette décision stabilise ainsi définitivement la situation juridique spécifique des CPAM, qui sont désormais totalement sécurisées quant au périmètre exact de leurs obligations de reclassement en cas d'inaptitude de leurs salariés.

    3 - Impacts concrets et recommandations pratiques pour employeurs et salariés

    Sécurité juridique renforcée pour les CPAM

    Cette jurisprudence apporte une sécurité considérable aux services des ressources humaines des CPAM :

    • Les CPAM peuvent dorénavant concentrer exclusivement leurs efforts de reclassement sur leur propre structure.
    • Toute recherche externe auprès d’autres CPAM devient juridiquement superflue, permettant ainsi de simplifier considérablement les procédures internes et d’éviter de multiples contentieux.
    • Cette décision offre donc aux CPAM une clarté bienvenue, leur permettant de respecter pleinement les obligations légales sans craindre d’éventuelles poursuites judiciaires pour insuffisance de recherche.

    Conséquences pratiques pour les salariés concernés

    Pour les salariés déclarés inaptes dans une CPAM, la décision implique une nécessité accrue de vigilance quant au respect par leur employeur des démarches de reclassement interne :

    • Les salariés doivent désormais s’assurer de manière approfondie que leur CPAM a procédé à toutes les recherches internes possibles, conformément aux recommandations du médecin du travail.
    • Ils ne peuvent plus invoquer un manquement de l’employeur à rechercher des solutions externes, puisque celles-ci sont désormais explicitement exclues par la jurisprudence.
    • Il leur revient donc de vérifier que leur employeur a bien rempli ses obligations dans le périmètre désormais clairement limité à la caisse d’assurance maladie employeuse.

    Conseils opérationnels aux acteurs concernés

    Afin d’anticiper au mieux ces conséquences, voici quelques conseils pratiques utiles : Pour les employeurs (CPAM) :

    • Documenter précisément toutes les démarches internes de reclassement effectuées.
    • S’assurer de la conformité du reclassement proposé avec les préconisations médicales précises du médecin du travail.
    • Informer clairement le salarié concerné des recherches effectuées et conserver une preuve écrite de ces échanges.

    Pour les salariés :

    • Exiger de l’employeur une transparence complète sur les recherches internes menées.
    • Vérifier scrupuleusement que les propositions faites correspondent aux recommandations précises du médecin du travail.
    • Consulter rapidement un conseil juridique spécialisé en cas de doute sur la procédure mise en œuvre.

    Cet arrêt du 19 mars 2025 confirme l’évolution juridique vers une approche plus stricte et précise du périmètre de reclassement en cas d’inaptitude du salarié. En appliquant rigoureusement la définition capitalistique du groupe, la Cour de cassation apporte une réponse claire et cohérente, conforme à l’intention initiale du législateur.

    Cette décision stabilise ainsi une situation juridique qui était demeurée ambiguë trop longtemps. Elle procure désormais une sécurité renforcée aux CPAM dans la gestion complexe des cas d’inaptitude professionnelle, tout en imposant aux salariés concernés une exigence accrue de vigilance quant aux démarches internes engagées par leur employeur.

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