Le salarié protégé jouit, en principe, d’une protection renforcée contre le licenciement. Toutefois, lorsqu’il est soupçonné de harcèlement sexuel, l’employeur se retrouve face à un conflit entre l’obligation de réintégration, qui découle du refus d’autorisation de licenciement, et l’exigence de préserver la sécurité et la dignité des autres salariés.
Les derniers développements jurisprudentiels admettent que l’employeur peut, sous conditions, refuser la réintégration si des craintes sérieuses et objectives de harcèlement subsistent. L’objet du présent texte consiste à analyser les fondements juridiques de ce refus, à détailler les limites imposées par le Code du travail et à indiquer les critères retenus par les juges lorsqu’ils arbitrent entre la protection du mandat représentatif et la prévention des comportements à caractère sexuel inapproprié.

1 - Les principes de la protection et la problématique du harcèlement sexuel
Statut protecteur et demande de réintégration
Le Code du travail, notamment l’article L2411-1, impose à l’employeur d’obtenir l’autorisation de l’inspecteur du travail pour licencier un salarié titulaire d’un mandat (membre du CSE, délégué syndical, etc.).
En cas de refus d’autorisation, le salarié peut exiger sa réintégration dans son poste ou, à défaut, un emploi équivalent. Cette réintégration vise à empêcher tout abus de procédure par lequel l’employeur écarterait un représentant du personnel pour des raisons fallacieuses. Il s’agit d’une pierre angulaire de la protection syndicale ou élective.
Obligation de sécurité en matière de harcèlement sexuel
Parallèlement, l’article L4121-1 du Code du travail contraint l’employeur à prendre toutes les mesures nécessaires pour préserver la santé et la sécurité, ce qui inclut la prévention et la cessation du harcèlement sexuel.
L’article L1153-5 renforce cette exigence, obligeant l’entreprise à sanctionner tout comportement à connotation sexuelle portant atteinte à la dignité d’un salarié. Ainsi, quand le salarié protégé est suspecté de tels faits, la tension entre la sauvegarde du mandat et la protection du collectif apparaît de manière aiguë.
2 - Le refus de réintégration sous le prisme jurisprudentiel
Éléments de preuve et gravité des faits reprochés
Le revirement récent de la Cour de cassation (arrêt du 8 janvier 2025) a mis en avant que le refus de réintégration peut se justifier si l’employeur fournit des éléments concrets démontrant un risque de harcèlement sexuel.
Il n’est pas indispensable que les faits constituent une infraction pénale avérée, mais il faut des indices suffisamment sérieux (témoignages concordants, plaintes détaillées) pour que l’on considère la présence du salarié protégé comme dangereuse pour autrui.
L’appréciation se fait au regard du degré de précision des récits et de la répétition alléguée des agissements.
Absence de discrimination ou de détournement du statut protégé
Le juge reste vigilant quant au risque que l’employeur se serve d’accusations de harcèlement pour contourner la protection légale. Il exige une cohérence dans la démarche : si l’entreprise n’a entamé aucune procédure en interne (mise à pied, enquête, etc.), le soupçon peut naître d’une volonté de neutraliser un représentant syndical gênant.
Inversement, une enquête interne sérieuse, corroborée par des témoignages fiables, illustre la bonne foi de l’employeur qui se retrouve confronté à la nécessité de faire cesser un comportement potentiellement nocif.
Proportionnalité de la mesure
Le refus de réintégration doit également s’inscrire dans un principe de proportionnalité. Si une mutation en interne ou un aménagement de poste aurait permis d’éviter tout contact entre le salarié protégé suspecté et les victimes présumées, alors le refus absolu de réintégration pourrait être jugé excessif.
Toutefois, lorsque l’employeur démontre qu’aucune solution partielle ne suffit à écarter le risque de harcèlement, la jurisprudence admet la possibilité de maintenir l’intéressé hors de l’entreprise.
3 - Conséquences pratiques et recommandations
Charge de la preuve et risques de contentieux
En refusant de réintégrer un salarié protégé soupçonné de harcèlement sexuel, l’employeur s’expose à un éventuel litige, le salarié pouvant soutenir que son exclusion vise à punir ses activités syndicales. Il est donc primordial de documenter rigoureusement les allégations de harcèlement :
- Recueillir des déclarations écrites et circonstanciées.
- Établir la gravité ou la répétition des propos ou gestes à caractère sexuel.
- Vérifier que les témoins n’ont pas de raison de s’opposer au mandat du salarié protégé.
Intérêt d’un dialogue et d’une enquête interne
Pour asseoir sa légitimité, l’employeur devrait conduire une enquête interne, idéalement en associant, selon les cas, la délégation du personnel ou le référent harcèlement. Cet examen préalable permet de donner la parole à chacune des parties, de réunir les preuves et d’envisager des solutions moins radicales que le refus pur et simple de réintégration.
Si, à l’issue de ce processus, il apparaît clairement qu’un risque sérieux persiste, l’entreprise pourra alors défendre la proportionnalité du maintien hors de l’effectif. A cette étape il est également important de prendre attache avec un avocat en droit du travail sur la ville de Versailles pour vous soutenir juridiquement dans cette démarche.
Vers une évolution maîtrisée du droit
À long terme, cette orientation jurisprudentielle vise un équilibre subtil entre la défense du mandat représentatif et la protection de l’ensemble des collaborateurs. Même si l’obligation de sécurité n’autorise pas un contournement facile du statut protecteur, elle devient un motif sérieux pour justifier la non-réintégration, à condition que la crainte de harcèlement sexuel s’appuie sur des éléments tangibles.
Ainsi, le juge procède à un contrôle minutieux, veillant à ce que la sécurité ne devienne pas un prétexte discriminatoire. Pour approfondir la question, on peut se référer à des études plus complètes, comme cette analyse : refus réintégration salarié protégé harcèlement sexuel risque sécurité.
L’ensemble de ces ressources confirme la ligne directrice : l’entreprise doit démontrer un danger crédible pour se soustraire à l’obligation de réintégration, tandis que le salarié protégé conserve la possibilité de contester toute exagération ou toute instrumentalisation de ces accusations.
4 - Conclusion
La possibilité pour l’employeur de refuser la réintégration d’un salarié protégé accusé de harcèlement sexuel traduit l’évolution vers une prise en compte plus fine de l’obligation de sécurité.
L’équilibre entre la protection légale du mandat et la prévention d’agissements portant atteinte à la dignité reste un exercice délicat. La jurisprudence admet désormais que la protection ne peut absorber toute considération relative à la sécurité psychologique et morale des autres salariés.
Néanmoins, l’employeur doit, pour éviter tout détournement du statut protecteur, justifier factuellement la gravité du risque et la disproportion qu’entraînerait une réintégration. Le juge, à travers un contrôle rigoureux, s’assure de la sincérité de cette démarche afin de maintenir l’équilibre entre deux principes fondamentaux du droit du travail.