Les ressources humaines se trouvent au cœur de la gestion des situations de harcèlement moral, sexuel ou d’agissements sexistes. Lorsqu’un signalement survient, elles doivent conjuguer réactivité, impartialité et conformité juridique. Si la loi n’impose pas expressément la mise en place d’une enquête interne, cette pratique est devenue incontournable pour démontrer que l’employeur respecte son obligation de sécurité et prend toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale de ses salariés (article L. 4121-1 du Code du travail).
Mais attention : une enquête bâclée ou incomplète ne convaincra pas les juges. La jurisprudence récente l’a encore rappelé : un rapport tronqué ou lacunaire est jugé non probant, et le doute profite au salarié mis en cause (article L. 1235-1). Pour les RH comme pour les dirigeants, l’enjeu est donc clair : mettre en œuvre une méthodologie irréprochable.

1 - Le rôle stratégique des RH dans la prévention du harcèlement
Une obligation de sécurité renforcée
L’employeur est tenu de prévenir le harcèlement moral (art. L. 1152-1), le harcèlement sexuel (art. L. 1153-1) et les agissements sexistes (art. L. 1142-2-1). Ces dispositions imposent de mettre en place des mesures de prévention, mais aussi d’intervenir immédiatement lorsqu’un fait est porté à la connaissance de l’entreprise.
Les RH, premiers interlocuteurs des salariés
Le service RH est souvent la porte d’entrée des signalements. Il doit accueillir la parole avec bienveillance, enregistrer le signalement sans jugement de valeur et déclencher les procédures adaptées. Ce rôle de « tiers de confiance » est essentiel pour préserver le climat social et encourager les victimes à s’exprimer.
L’enquête interne comme outil de gouvernance
Au-delà de la gestion d’un incident ponctuel, l’enquête interne illustre la maturité sociale de l’entreprise. Elle démontre que la direction et les RH disposent de procédures claires et d’un cadre de conformité aligné sur les standards attendus en matière de responsabilité sociale.
2 - Les exigences d’une enquête interne crédible
Une méthodologie rigoureuse
Une enquête probante repose sur plusieurs piliers :
- Impartialité : désigner un enquêteur neutre, interne ou externe, pour éviter tout conflit d’intérêts.
- Confidentialité : informer chaque personne auditionnée des règles applicables.
- Exhaustivité : entendre toutes les parties concernées et conserver chaque compte rendu, même anonymisé.
- Traçabilité : documenter toutes les étapes, du signalement à la conclusion.
Le respect du contradictoire
Un salarié mis en cause doit être entendu et disposer de la possibilité de présenter ses observations. Négliger ce principe est une erreur majeure qui fragilise l’enquête.
La production des preuves
Les témoignages ne doivent pas être tronqués ni sélectionnés de manière partiale. La jurisprudence sanctionne les rapports incomplets, estimant que leur valeur probante est insuffisante. En cas de doute, les juges appliquent le principe protecteur de l’article L. 1235-1 : le doute profite toujours au salarié.
3 - Les conséquences d’une enquête mal menée et les bonnes pratiques à adopter
Les risques pour l’entreprise
Une enquête incomplète ou biaisée peut entraîner :
- la reconnaissance d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- le versement d’indemnités conséquentes au salarié ;
- une atteinte à la réputation de l’entreprise, accusée de protéger un climat délétère ;
- une perte de confiance des collaborateurs vis-à-vis des services RH et de la direction.
Les bonnes pratiques RH
Pour sécuriser les procédures, il est recommandé de :
- mettre en place en amont un protocole interne clair de traitement des signalements ;
- recourir, dans les cas sensibles, à un cabinet externe pour garantir l’impartialité ;
- rédiger des comptes rendus complets, validés par les personnes auditionnées ;
- informer les représentants du personnel des mesures préventives mises en place ;
- prévoir un suivi post-enquête (communication interne, actions de formation, accompagnement psychologique).
L’enquête comme levier de prévention durable
Bien menée, une enquête interne ne se limite pas à traiter un incident : elle constitue un outil de prévention des risques psychosociaux. Elle permet d’identifier des dysfonctionnements organisationnels, de renforcer la formation des managers et de mettre en place des actions concrètes pour améliorer le climat de travail.
Pour les responsables RH et les dirigeants, l’enquête interne est un instrument central de la politique de prévention du harcèlement. Elle doit être conduite avec rigueur, impartialité et transparence. Une enquête partielle ou orientée se retourne presque toujours contre l’employeur. À l’inverse, une enquête complète et loyale protège l’entreprise, renforce la crédibilité des RH et participe à une gouvernance responsable. En définitive, la meilleure défense de l’entreprise reste une enquête interne fiable et irréprochable, qui concilie les droits des salariés et la sécurité juridique de l’employeur.
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