Accueil     Droit du Travail     Plan social : comment respecter l’équité et l’ordre des licenciements

Plan social : comment respecter l’équité et l’ordre des licenciements

Auteur : Noémie Le Bouard   Mise à jour :   Lecture : 5 minutes

Consulter cet expert du droit

Plan social : qui part en premier ? Découvrez l’ordre légal, l’obligation de reclassement et les solutions pour un licenciement équitable.

  SOMMAIRE :

    Lorsque les difficultés économiques d’une entreprise atteignent un seuil critique, la mise en place d’un plan social, aussi appelé plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), devient un enjeu majeur.

    À cette étape, la question cruciale se pose : « Qui part en premier ? » Autrement dit, comment déterminer l’ordre des licenciements sans heurter la législation ni créer un climat social délétère ? Cet article propose d’éclairer les principes fondamentaux à respecter pour concilier les impératifs économiques de l’employeur et la protection des droits des salariés.

    1 - La nécessité d’un plan social

    Un plan social consiste à élaborer un dispositif global visant à réduire ou, idéalement, à éviter le licenciement de collaborateurs. Les entreprises d’au moins cinquante salariés, projetant de licencier dix personnes ou plus sur une période de trente jours, sont légalement tenues de mettre en place ce plan, sous peine de voir la procédure annulée.

    Il ne s’agit donc pas d’une simple formalité : l’enjeu économique coexiste avec une exigence d’équité imposée par le Code du travail. Une fois la structure de l’entreprise revue (catégories professionnelles affectées, zone géographique concernée), l’ordre des licenciements doit obéir à des critères prévus par la loi.

    Les principaux critères d’ordre

    Pour fixer l’ordre des licenciements, le Code du travail retient classiquement quatre critères :

    • L’ancienneté : l’idée est de ne pas défavoriser, sans motif valable, les collaborateurs qui ont investi plusieurs années de leur carrière dans l’entreprise.
    • Les charges de famille : prendre en compte la situation d’un parent isolé ou d’un salarié ayant plusieurs enfants à charge peut se révéler déterminant pour éviter un déséquilibre social important.
    • Les difficultés de réinsertion : un salarié présentant un handicap, ou proche de l’âge de la retraite, aura plus de mal à retrouver un emploi.
    • Les qualités professionnelles : ces dernières doivent être évaluées de manière objective, par exemple au regard d’entretiens annuels ou de résultats tangibles.

    Il est possible de pondérer ces critères ou d’en privilégier un, à condition de considérer tous les autres. Cette pondération ne doit pas être arbitraire ni supprimer de fait un critère (par exemple en attribuant une même valeur à tous les salariés)

    2 - L’employeur et le comité social et économique (CSE)

    Le comité social et économique tient une place centrale dans la mise en œuvre du plan social. Avant même d’établir la liste des collaborateurs concernés, l’employeur doit informer et consulter cet organe de représentation. Le CSE dispose d’informations clés sur les difficultés économiques, mais aussi sur les compétences internes, la réalité du terrain et la possibilité de reclasser certains salariés.

    Des échanges constructifs permettent ainsi d’envisager des solutions alternatives avant de procéder aux licenciements. Parfois, la négociation aboutit à un accord collectif : le plan social repose alors sur une démarche concertée et peut bénéficier d’une validation administrative plus rapide.

    L’obligation de reclassement

    Il convient de rappeler que l’employeur est également soumis à une obligation de reclassement. Avant de licencier, il doit vérifier la possibilité de proposer aux collaborateurs menacés un poste de même catégorie ou compatible avec leurs qualifications, que ce soit dans la société elle-même ou, le cas échéant, au sein du groupe dont elle dépend.

    Cette recherche de reclassement doit être rigoureuse et transparente. En effet, si l’employeur n’apporte pas la preuve d’avoir envisagé sérieusement des pistes de réaffectation, le licenciement risque d’être jugé sans cause réelle et sérieuse.

    Les situations où l’ordre est inapplicable

    Certaines hypothèses rendent caduques les critères d’ordre. Par exemple, si l’entreprise procède à la fermeture totale d’un site, alors tous les emplois disparaissent simultanément et le choix de « qui part en premier » n’a plus lieu d’être.

    De même, lorsque la suppression vise tous les emplois d’une même catégorie professionnelle, il n’existe pas de sélection entre plusieurs salariés. Dans ces cas, la démarche s’avère plus simple, quoique tout aussi stricte sur le plan procédural.

    Pour aller plus loin : https://www.avocats-lebouard.fr/news/plan-social-qui-part-en-premier

    3 - La contestation par le salarié

    Si un collaborateur estime que l’employeur n’a pas respecté la procédure, il dispose de plusieurs voies de recours. La première consiste à demander, dans un délai de dix jours suivant la notification de son licenciement, les critères ayant permis de le désigner : l’employeur doit répondre avec précision.

    En l’absence de réponse ou en cas de doutes sur l’objectivité des critères, le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes. Le juge se penchera alors sur la régularité formelle de la procédure, la réalité des difficultés économiques et la conformité des choix opérés. En cas d’irrégularité patente, l’employeur risque une condamnation au versement de dommages et intérêts, voire la requalification du licenciement.

    La validation ou l’homologation par l’administration

    Un plan social doit obtenir l’aval de l’autorité administrative : en pratique, la DREETS (Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités). Cette entité vérifie la cohérence du projet : nombre de postes supprimés, étendue de la consultation du CSE, respect des critères d’ordre, mesures d’accompagnement (formations, congé de reclassement, mobilité interne), etc.

    Selon qu’il s’agisse d’un accord collectif ou d’un document unilatéral de l’employeur, on parle de « validation » ou d’« homologation ». L’employeur ne peut exécuter son plan social sans franchir cette étape : s’il s’y soustrait, la procédure est nulle.

    Les bonnes pratiques pour un plan social responsable

    • Transparence : informer le CSE et les salariés des difficultés économiques, expliquer les arbitrages.
    • Concertation : tenter de négocier un accord collectif, afin de légitimer davantage le plan social et de trouver des solutions mieux adaptées.
    • Traçabilité : conserver un dossier complet sur la façon dont ont été appliqués les critères (documents d’évaluation, matrices de pondération, propositions de reclassement).
    • Aide au reclassement : prévoir des mesures concrètes (formations, congés de mobilité), renforcer l’accompagnement individuel pour ceux qui quittent l’entreprise.

    4 - Conclusion

    La question de « qui part en premier » lors d’un plan social représente un défi majeur pour l’employeur, partagé entre la nécessité de maintenir la viabilité de l’activité et l’exigence de protéger les droits des salariés.

    Grâce au cadre légal, les critères d’ordre obligatoires et l’intervention du CSE, il est possible d’atteindre un équilibre. L’important reste de respecter scrupuleusement la procédure et de justifier chaque décision, tant pour éviter de lourdes sanctions que pour préserver un climat social apaisé.

    En somme, s’engager dans un plan social signifie non seulement assumer la réorganisation, mais aussi veiller à ce que les départs soient opérés de manière équitable, en respectant la dignité et l’avenir des personnes concernées.

    LE BOUARD AVOCATS 4 place Hoche, 78000, Versailles https://www.lebouard-avocats.fr/ https://www.avocats-lebouard.fr/